Les responsabilités des collectivités territoriales vont au-delà de la seule organisation des déplacements de personnes : elles interviennent aussi dans le transport des marchandises. Celui-ci est en constante augmentation et génère de nombreuses nuisances, tandis que la logistique urbaine se caractérise, pour les chauffeurs-livreurs, par des conditions de travail souvent difficiles.
Malgré les évidentes vertus écologiques du fret ferroviaire, du tram fret ou des barges sur la Seine, les transporteurs de marchandises peinent à trouver leur place. Le Grenelle de l'environnement a adopté une taxe poids lourds, mais celle-ci a été reportée à 2012 par le Grenelle II. Cette écotaxe constituait pourtant une véritable avancée dans le domaine de la fiscalité en faveur du report modal, puisque son produit est destiné à financer des projets d'infrastructures alternatives à la route via l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui va, de fait, être privée de ressources pérennes jusqu'en 2013.
En revanche, la commission mixte paritaire du Grenelle II a entériné l'évolution des compétences des autorités organisatrices de transports (AOT) disposant désormais d'outils supplémentaires pour mettre en œuvre une politique intégrée - vélos en libre service, autopartage ou covoiturage, etc. - sur leur territoire. Les AOT bénéficieront en outre de nouveaux leviers de financement tels que la taxation des plus-values foncières et la majoration du versement transport (VT) pour les communes touristiques. Et les Autorités organisatrices qui le souhaitent pourront (à nouveau) être en droit d'expérimenter le péage urbain.
Dans ce paysage encombré que le Grenelle a tenté de faire évoluer, l'enjeu du transport de marchandises en Ile-de-France se heurte à des contraintes spécifiques, ainsi que l'a montré un colloque organisé à l'initiative de Réseau ferré de France (RFF) et de l'association TDIE (Transport, développement, intermodalité, environnement), à l'Hôtel de Ville de Paris le 23 juin. Elus et industriels sont confrontés à une triple problématique : l'augmentation constante des besoins, la maintenance des réseaux, et la volonté d'agir pour le développement durable.
Une refonte nécessaire
Exemple de cette complexité, le difficile partage des voies ferrées entre Transilien, TGV, marchandises et maintenance du réseau. ''Chacune de ces activités cherche à optimiser son fonctionnement et se heurte à des problèmes de capacité parce que tous les trains ne vont pas à la même vitesse'', note Thierry Guimbaud, directeur de l'exploitation au STIF. Pour lui, ''l'objectif n°1 est de renforcer l'offre de transports de marchandises, qui n'est pas de qualité suffisante''.
Le tout dans un contexte de profond changement des modes de vie, marqué par une demande permanente de mobilité, jour et nuit, qui aboutit à la disparition des heures creuses. À cette demande, les autorités franciliennes tentent de répondre par des crédits croissants : 450 millions d'euros de plus par an depuis quatre ans sont injectés dans le réseau francilien de transports en commun. Malgré ces investissements, ''les cadencements posent question. Pour les chargeurs, ce qui compte c'est la qualité des sillons, la ponctualité et la lisibilité. Les TER sont potentiellement en conflit avec les marchandises. Il faut trouver une voie de passage qui préserve les intérêts des uns et des autres'', explique Thierry Guimbaud.
Les sillons ferroviaires d'Ile-de-France doivent être remis à niveau, reconnaît Manuel Leconte, directeur régional adjoint de RFF, entité responsable des sillons et de leur attribution : ''On va avoir de plus en plus de travaux et un niveau de maintenance plus élevé que par le passé. Les travaux se déroulent de préférence la nuit et les week end, et on réserve à l'avance les plages de travaux'' pour que les chargeurs puissent compter sur des tranches horaires assurées.
Le tram-fret, alternative au semi-remorque en ville
Une solution intermédiaire entre le train et le semi remorque est à rechercher autour du tram-fret pour desservir Paris et la première couronne. A l'instar du tram-train pour le transport de personne, c'est un véhicule dérivé du tramway, apte à circuler à la fois sur des voies de tramway en centre-ville et sur le réseau ferroviaire régional. Monoprix fait partie de ces chargeurs pionniers en France qui souhaitent porter une image de ville durable et qui a opté pour l'acheminement de ses marchandises par voies ferrées. Mode de transport silencieux, le tram-fret équivaut à trois semi-remorques. Ecologique et fiable, il existe à grande échelle dans d'autres villes européennes comme Amsterdam, où le tram fret s'insère parfaitement dans le réseau voyageurs. Selon Francis Rol-Tanguy, directeur général de l'APUR (Agence parisienne d'urbanisme), ''l'objectif est de multiplier les démonstrateurs pour prouver que l'option tram-fret fonctionne''.
L'obstacle dans les zones hyper denses que sont Paris et sa première couronne est d'abord foncier, même si des réserves importantes ont été intégrées au PLU de la Ville de Paris, comme la gare des Gobelins ou le site des Batignolles. Les potentialités existent, de doublement des dessertes ferroviaires futures comme celle de Sartrouville-Noisy-le-le Sec par des voies dédiées aux transports de marchandises. Philip Mauge, directeur commercial de Voies Navigables de France (VNF) piaffe aussi d'impatience.''On travaille avec les mêmes infrastructures depuis 30 ans. Il est temps que tout ceci change''. Devinette : combien de camions une grosse barge rhénane permet-elle d'éviter ?
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